Une nouvelle bataille du savoir en ligne : Elon Musk vient de lancer GrokiPedia, une encyclopédie en ligne alimentée par intelligence artificielle, censée être une alternative « plus factuelle » à Wikipédia.
Ce projet, porté par xAI, son entreprise spécialisée dans l’IA, promet de « rétablir la vérité » face à ce que Musk décrit comme les « biais idéologiques » du web.
Mais derrière cette annonce, c’est un nouvel épisode du duel entre technologie, information et pouvoir qui se joue.
Une encyclopédie générée par IA… mais vraiment neutre ?
GrokiPedia, actuellement en version 0.1, regroupe déjà près de 900 000 définitions générées par l’intelligence artificielle Grok, le chatbot développé par Musk.
Contrairement à Wikipédia — rédigée et vérifiée par une communauté de bénévoles —, les contenus de GrokiPedia sont produits automatiquement par IA à partir de multiples sources en ligne.
L’objectif de GrokiPedia selon Elon Musk
Le milliardaire affirme que son objectif est simple :
« La vérité, toute la vérité, rien que la vérité. »
Premières critiques et orientations idéologiques
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La page sur Elon Musk met par exemple en avant ses « influences positives » et critique les médias « à tendance gauchiste ».
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Des sujets comme Black Lives Matter ou le journalisme progressiste sont traités d’un point de vue clairement conservateur.
Une ironie, quand on sait que GrokiPedia prétend corriger les « biais » qu’elle dénonce.
Wikipédia : vingt ans de neutralité contestée
Un modèle collaboratif fiable
Depuis sa création en 2001, Wikipédia reste l’une des plus grandes références du web, avec plus de 7 millions d’articles en anglais et des millions d’utilisateurs mensuels.
Son principe fondateur — le point de vue neutre — repose sur un modèle collaboratif, transparent et participatif.
La neutralité prouvée par la recherche
Certes, elle est parfois accusée de pencher à gauche ou d’être influencée par certains courants idéologiques, mais les études scientifiques tendent à prouver le contraire.
Des chercheurs comme Aileen Oeberst (Université de Potsdam) ont démontré que Wikipédia reste, dans l’ensemble, aussi fiable et équilibrée que des encyclopédies traditionnelles telles que Britannica.
La force de la communauté
« La neutralité de Wikipédia s’est construite sur le temps, grâce à des communautés de bénévoles sans conflits d’intérêts », rappelle Capucine-Marin Dubroca-Voisin, ex-présidente de Wikimédia France.
Le risque d’un savoir fragmenté
Encyclopédies partisanes et bulles informationnelles
L’arrivée de GrokiPedia s’inscrit dans un mouvement de polarisation numérique.
À droite, des plateformes comme Conservapedia existent depuis 2006, tandis qu’à gauche, des alternatives comme RationalWiki défendent une vision progressiste du savoir.
Les dangers de la fragmentation
Ces « encyclopédies partisanes » posent un vrai risque : la création de bulles informationnelles, où chaque groupe social n’a accès qu’à une vérité filtrée par ses propres convictions.
À terme, cela pourrait fragmenter encore davantage la connaissance collective et renforcer la désinformation, déjà amplifiée par les algorithmes des réseaux sociaux.
L’IA, entre moteur de progrès et vecteur de biais
Les limites des IA conversationnelles
GrokiPedia ne se contente pas d’être une encyclopédie : elle est aussi une expérience d’apprentissage pour l’IA.
Les chatbots et modèles d’intelligence artificielle s’entraînent sur des bases de données colossales dont Wikipédia fait partie.
Mais si ces bases deviennent biaisées, les IA reproduiront et amplifieront ces biais.
L’effet domino des données
Une IA qui s’alimente de contenus orientés finit par influencer à son tour la perception du réel.
Les chercheurs en éthique numérique alertent sur ce danger.
« Les gens accordent une confiance quasi totale aux IA conversationnelles, dont les réponses semblent crédibles, même quand elles sont erronées », prévient Dubroca-Voisin.
Quelle leçon pour le monde digital ?
Pour les passionnés de tech et d’IA
GrokiPedia illustre l’impact des algorithmes et de l’IA sur la diffusion du savoir.
Suivre ces développements permet de comprendre les limites et les opportunités de l’IA dans la création de contenus intelligents et contextualisés.
Pour les entreprises et professionnels du digital
L’enjeu est double : garantir la fiabilité des informations utilisées dans les projets IA et anticiper les évolutions des outils d’automatisation et de génération de contenus.
Conclusion : entre savoir et pouvoir, l’IA redessine la connaissance
Avec GrokiPedia, Elon Musk ne se contente pas de concurrencer Wikipédia.
Il ouvre un nouveau chapitre de la guerre des intelligences artificielles celle où le savoir devient un terrain d’influence politique et économique.
L’enjeu n’est plus seulement de savoir qui détient l’information, mais qui la façonne.
Et à l’heure où l’IA devient un pilier du web moderne, garantir la neutralité du savoir n’a jamais été aussi vital.